Pièce adaptable : Auto Plus auteur d’une enquête… étonnante

Romain Thirion
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Dans son numéro du lundi 9 décembre dernier, Auto Plus s’est livré à une enquête comparative entre pièces d’origine et pièces adaptables. Prix, fidélité, fiabilité, trois paramètres que le journaliste et l’expert diplômé d’Etat qui ont conduit l’étude ont examiné, pour vérifier l’adéquation des pièces adaptables achetées à l’étranger avec les organes d’origine qu’ils « copient ». De quoi apporter de l’eau au moulin des constructeurs et louer les valeurs de la pièce d’occasion, qui ne sont autres que… des pièces d’origine.
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L’intention est louable, surtout lorsqu’on se veut être le magazine automobile de référence des consommateurs lambda. Du grand public, en somme. Auto Plus s’est, en effet, livré à une enquête dans son numéro du 9 décembre dernier sur un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre en cette année 2013 : la pièce adaptable. Cette fameuse pièce de carrosserie dite « captive » pour être uniquement vendue par les constructeurs sur le marché français, protégée au titre de la propriété intellectuelle. Pour questionner la légitimité des constructeurs à préserver leur monopole de vente des pièces de carrosserie –c’est là l’objectif implicite de cette enquête– Auto Plus a chargé son journaliste Benjamin Lyonnet et l’expert automobile diplômé d’Etat Antoine Jacquot d’examiner, à l’aide de nombreux outils de mesure de taille, de poids, de tests de solidité, la conformité de ces pièces avec le modèle qu’elles copient. Le résultat est –ô surprise– décevant… pour la pièce adaptable. Ainsi, les deux enquêteurs ont choisi un panel de 7 pièces parmi les plus demandées sur des modèles de large diffusion de plus de 3 ans, et sont allés au moins cher, quitte à attendre plusieurs semaines leur livraison et payer leurs organes hors taxes, au risque de ressentir la douloureuse d’une TVA appliquée par le transporteur après la livraison.Des pièces et… un accessoireQuelles sont ces pièces ? Un pare-chocs de Fiat 500, un rétroviseur électrique de Renault Laguna 3 et un manuel pour Citroën C1, un soufflet de levier de vitesse pour Citroën C3, un phare de Renault Clio 3, un bras d’essuie-glaces arrière Audi A6 et… une coque de clef Peugeot ! A boire et à manger, donc, car il n’est nul besoin d’aller chercher sa référence très loin pour certains de ces organes : les pure players de la vente de pièces en France (Yakarouler, Oscaro, Mister-Auto…) vendent eux aussi les rétroviseurs et/ou les phares testés. A des tarifs bien moins compétitifs, plus conformes au marché français, toutefois.Ce sont donc des produits affichant une « remise », port compris, de -60% (pour le rétro manuel de C1) à -94% (pour la coque de clef Peugeot – le constructeur ne vendant que la clef tout entière, cela va donc de soi) qu’Auto Plus a comparé. Résultat : tous ont révélé des manquements dans leurs dimensions, leurs matériaux, leur usinage, leurs points de fixation ou leur solidité (sauf la coque de clef qui n’est, en même temps, qu’une simple coque de clef…). Ce qui induit évidemment des différences de sécurité, de confort et de facilité de montage qui peuvent rendre leur usage problématique.Les pros de la réparation complices ?Dans la troisième partie de l’enquête, Auto Plus donne un conseil pratique aux automobilistes pour identifier les « copies » de rétroviseurs, de bras d’essuie-glaces et d’optiques de phares de leurs pendants d’origine, afin d’éviter de se faire « blouser » par des réparateurs qui leur installeraient donc des pièces adaptables en toute illégalité, histoire de baisser leur coût et de gagner de la marge. Repérage du nom de l’équipementier fournisseur, ou du constructeur pour lequel la pièce a été produite, ou des numéros de série… Autant de manières de débusquer les contrefaçons. Mais ce qui est appelé ici contrefaçon ou copie n’est pas forcément la pièce adaptable que défendent bec et ongles la FNAA et la FEDA. En effet, une fois le marché ouvert, rien n’empêcherait plus les équipementiers qui fournissent les constructeurs de commercialiser, à des tarifs forcément plus bas, les pièces autrefois captives. Sans pour autant atteindre les improbables « remises » des pièces trouvables à l’étranger.Ce n’est qu’à la fin du dossier qu’Auto Plus lance l’argument choc : la pièce constructeur à la casse est au même prix que la copie ! Pour une info… Certes, le grand public n’est pas forcément au courant des vertus bien réelles de la pièce d’occasion, tant pour la fiabilité de son véhicule que pour le bien-être de son porte-monnaie, mais ce n’est pas faute d’entendre certains assureurs comme la MACIF vanter ses mérites depuis quelque temps. Si l’intention était de souligner qu’une pièce d’occasion, c’est-à-dire une pièce d’origine usagée, était de meilleure qualité qu’une pièce adaptable, ce dossier tombe sous le sens. Mais ça, on le savait déjà. Et les assureurs comme les constructeurs eux-mêmes l’ont compris depuis de longs mois. Pas de quoi élever l’image du combat porté par toute la rechange indépendante. Et ça, en termes d’opportunités offertes au consommateur, c’est dommage.
Romain Thirion
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