L’avenir de l’après-vente : entre menaces et opportunités

Jérémie Morvan
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Fin observateur du marché de l’aftermarket, Frank Schlehuber, conseiller au Clepa et ancien président de Bosch IAM monde, analyse les mutations en cours et les menaces qu’engendrent ces disruptions. Des menaces qui sont en fait autant d’opportunités…
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C’est dans une interview accordée à Messe Frankfurt que Franck Sclehuber, ancien patron monde de l’IAM du géant allemand Bosch et aujourd’hui conseiller du Clepa (association européenne des équipementiers) se livre à une analyse du marché et l’après-vente et l’impact des mutations technologiques qui le traversent.

Il voit trois grands facteurs de changement, et ils impactent tout autant les équipementiers automobile que les constructeurs : l’électrification des véhicules bien sûr, mais aussi la connectivité et la conduite autonome. Décalage avec la première monte oblige, le secteur de l’aftermarket est encore relativement à l’abri de ces profondes mutations technologiques.

Disruptions

L’électrification entend répondre aux ambitieux objectifs de Bruxelles en matière de réduction des émissions polluantes, avec notamment -37,5 % de CO2 rejeté à l’horizon 2030 pour les VL et les VUL. Pour les fournisseurs équipementiers, cela implique la fabrication de nouveaux composants au détriment de nombreux autres, qui ne seront plus fabriqués dans les volumes que l’on connaît aujourd’hui.

En matière de conduite autonome comme de connectivité, ces deux changements majeurs modifient profondément l’écosystème de l’automobile qui voit arriver des entreprises spécialisées dans l’informatique, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, etc.

Et le garagiste ?

Selon Frank Schlehuber, la bonne nouvelle est que malgré ces mutations, il y aura toujours une après-vente. Et donc des garages pour la prodiguer. Cependant, les écueils sont ici aussi de taille selon le conseiller du Clepa : comment accéder à l’information technique, au diagnostic, et comment bâtir une équipe techniquement viable pour intervenir sur les nouveaux véhicules ? Il faudra nécessairement investir, se former, s’équiper. Ce qui ne sera pas possible pour toutes les structures. Les petits risquent de rester sur la bas côté au profit de plus gros ateliers à même de suivre en matière d’investissements.

L’ancien président de Bosch IAM voit un autre facteur positif dans les évolutions du secteur : la baisse des points de vente des réseaux constructeurs. Et si ces derniers ont redécouvert les bienfaits de l’après-vente (synonyme de marge) avec des stratégies déployées en conséquence, ils auront nécessairement besoin des garagistes indépendants pour intervenir sur leur parc roulant. Une collaboration d’un nouveau genre pourrait ainsi émerger. De la nature de celle que nous imaginions possible fin 2019 (voir «Et si les constructeurs pensaient à “labelliser” les indépendants ?»).

Consolidations

Si la consolidation est déjà en marche au niveau des constructeurs, des équipementiers ou encore de la distribution, elle va donc indubitablement avoir lieu au niveau des points de service d’entretien-réparation.

Et c’est justement un des traits du marché de l’aftermarket que souligne Frank Shlehuber : la consolidation du secteur de la distribution du fait d’investisseurs venus d’outre-Atlantique. Il y eu d’abord LKQ, qui en quelques années est devenu le leader européen de la distribution de pièces détachées après d’important rachats comme Stahlgruber en Allemagne ou Rhiag en Italie.

Il y eut ensuite GPC qui a traversé l’océan pour mettre la main sur Allaince Automotive Group. Autre Américain ayant mis un pied en Europe : Uniselect. Ces vagues de rachats ne sont pas sans conséquences sur les autres maillons de la chaîne. A commencer par les fournisseurs équipementiers, qui voient la pression s’intensifier et les conditions commerciales se durcir à mesure que grossit son client distributeur (et la pression monte, voir «Comment le Covid-19 accélère le grand basculement de l’équipementier vers la distribution»). Ce qui, selon le conseiller di Clepa, fait s’interroger certains quant au fait de savoir si la rechange indépendante restera un canal de distribution attractif...

 

La place du e-commerce

Les acteurs de la vente de pièces en ligne continuent de grappiller des parts de marché selon Frank Schlehuber, qui prend pour exemple Amazon, lequel réalise d’ores et déjà 8 milliards de dollars avec la vente de pièces détachées et accessoires pour véhicules.

Toutefois, ils doivent tous faire face à une même problématique : l’approvisionnement des pièces issues de catalogues particulièrement vastes. La disponibilité étant un critère capital pour les professionnels de l’entretien-réparation, Frank Schlehuber voit émerger une tendance où les pure players initient des accords de coopération avec de gros distributeurs. Témoins français : Oscaro avec PHE, Mister-Auto avec… PSA ou, depuis peu, Yakarouler avec le polonais Inter Cars !

Jérémie Morvan
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